Pour construire sa bibliothèque virtuelle, tous les protocoles et logiciels en usage peuvent être
utilisés. Encore faut-il, en l'état actuel des technologies, bien les connaître pour en faire
un usage approprié.
Telnet
Comme nous l'avons vu dans la toute première partie sur l'historique de l'Internet, les premières
bibliothèques connectées ont rapidement offert un accès telnet (TErminal NETwork protocol)
à leurs catalogues. Ce mode d'accès a l'avantage pour la bibliothèque d'être très
simple à mettre en oeuvre, il suffit de déclarer sur le serveur un nouveau terminal connecté,
à la différence que celui-ci n'est pas physiquement désigné, qu'il est distant et différent
à chaque connexion. L'utilisateur distant consulte ainsi l'OPAC de la bibliothèque de la même
façon que s'il se trouvait en salle de lecture, à la différence près qu'il n'a auprès
de lui aucun bibliothécaire pour le guider. L'utilisation traditionnelle de telnet suppose de posséder
un compte et mot de passe pour se connecter sur la machine distante, mais dans le cas des accès publics,
on déclare un " accès banalisé " qui ne nécessite au pire des cas
que de connaître le login public (" public ", " library ",
" bibliothèque "...) ; dans le meilleur des cas, la porte est isolée du
reste du serveur et aucun sésame particulier n'est requis.
Beaucoup de bibliothèques conservent encore à l'heure actuelle un tel mode de
connexion ; dans les listes de bibliothèques, l'accès en telnet est souvent signalé,
car il nécessite le logiciel adéquat.
Wais et Z 39.50
Wais (Wide area information servers) est également un mode d'implantation de banques de données
sur le Réseau. C'est un ensemble de logiciels qui permet d'indexer et de rassembler dans une banque de données
des documents divers, que ce soit des documents en texte intégral ou bien des notices bibliographiques.
Grâce à un logiciel client Wais, l'utilisateur interroge par mots-clés un ou plusieurs serveurs
qui abritent de telles bases et obtient en retour une liste de documents pertinents. A l'origine la première
version de Wais ne permettait que d'interroger sur le document entier : dans le cas de notices bibliographiques,
si vous recherchiez tous les ouvrages écrits par un certain Paris, vous obteniez également tous les
ouvrages publiés dans la capitale française (!). Les dernières versions, dont freewais-sf
(search fields), ont introduit la notion de champs d'interrogation, ce qui est nettement plus efficace
dans le cas de recherches documentaires. Ces logiciels ont le grand avantage d'être gratuits.
Il existait un annuaire mondial des bases Wais " directory of servers " et un annuaire
des bases françaises géré par l'INRIA.
" Le système client/serveur Wais ne fonctionne plus du tout. Il n'y a plus
aucun directory de serveurs maintenu, et les clients Wais ne sont guère utilisés. Par contre
Wais (freewais-sf) est encore activement développé et pas mal utilisé comme outil d'indexation,
et comme serveur. "
Effectivement, les logiciels clients ne sont plus diffusés et utilisés. Ils n'étaient en
soi guère conviviaux et pratiques d'accès. Néanmoins, Wais sert toujours à indexer
des collections de documents, auxquels désormais on accède par d'autres moyens.
Wais s'appuie sur la première version d'un protocole qui ne cesse de se développer :
Z 39.50. Développée
depuis 1981, cette norme désigne un protocole client/serveur destiné à l'interrogation de
banques de données, sans se préoccuper de l'interface par rapport à l'usager. La
grande particularité de ce protocole est que l'on peut envoyer une requête unique à plusieurs
serveurs distants. Cette
norme est très riche, la version 3 date de 1995, et paradoxalement elle continue à être enrichie
alors qu'elle ne connaît pas encore une réelle implantation mondiale.
Pourtant cette norme permettrait un réel développement de la recherche documentaire
sur l'Internet, puisqu'un seul logiciel client pourrait atteindre une multitude de bases distinctes.
Promouvoir l'usage de la norme Z 39.50, tel est l'objectif premier d'Europagate, un projet du Programme pour les bibliothèques de la
Communauté européenne. Il s'agit d'établir une passerelle technique entre les protocoles des
mondes TCP-IP (e-mail, WWW, Z 39.50) et ISO (norme Search & Retrieve) afin d'améliorer l'interconnectivité
des différentes ressources du Réseau. Il a été prévu de constituer une offre
logicielle commune afin de répandre l'implémentation technique de la norme. Celle-ci est donc à
suivre, car elle peut représenter - à l'avenir - un bon moyen d'homogénéiser l'offre
d'informations sur l'Internet.
Gopher
Gopher, du nom d'un rongeur mascotte du Minnesota, est à la fois un protocole et un ensemble de logiciels.
Il a été le premier outil à permettre à un utilisateur d'accéder à des
documents stockés sur des serveurs différents de manière transparente, sans avoir à
connaître le nom de ces serveurs. On a aussi comparé Gopher à un livre infini. Vous vous connectiez
sur un premier serveur qui vous proposait plusieurs menus représentant les différents services présents
sur le serveur, mais également accessibles à distance. Vous n'aviez qu'à cliquer sur les menus
pour parcourir une arborescence jusqu'aux documents désirés. Entre 1992 et 1993, les sites Gopher
se multiplièrent à grande vitesse, constituant ainsi le premier " phénomène "
de l'Internet. De nombreuses universités possédaient un serveur Gopher avec un accès à
leur bibliothèque. Le catalogue de la bibliothèque avait été indexé le plus
souvent grâce à Wais.
Cependant, Gopher représente une étape intermédiaire dans l'histoire de l'Internet, entre
les pionniers du telnet et le grand-public du Web. Il ne subsiste à l'heure actuelle plus beaucoup de serveurs
Gopher, ceux encore en activité ont été intégrés en HTML aux serveurs du World
Wide Web.
Le World Wide Web
La " toile d'araignée mondiale " est désormais le service d'informations le
plus connu sur l'Internet. C'est lui qui a séduit le grand public et les marchands du Temple. Pourtant
il a déjà quelques années d'ancienneté. Il est né en 1989 en Suisse au CERN
(Centre d'études et de recherches nucléaires) de la volonté de deux chercheurs, Robert Cailliau
et Tim Berners-Lee, de concevoir un système de stockage et de récupération efficace des publications
du Centre. A partir des recherches qui avaient déjà été menées sur les documents
hypertextes, ils ont utilisé
le langage SGML pour définir le HTML (Hypertext markup language), le langage de balises propres à
créer des pages hypermédia sur le WWW.
Ce n'est que quatre ans plus tard, vers la fin de 1993 et au début de 1994, que les sites Web ont commencé
à se multiplier à grande vitesse, dépassant rapidement en quantité tous les autres
types de services d'informations sur le Réseau.
La première bibliothèque a avoir disposé d'un serveur Web semblerait être
la bibliothèque publique d'Helsinki en Finlande, si l'on en croit ses propres dires, qui aurait été
connectée à l'occasion de son ouverture en février 1994.
Le Web permet une navigation complètement libre sur l'Internet, à partir de liens figurés
en couleur sur chaque page. Ces liens débouchent sur de nouvelles pages, sur des images, des sons, des textes...
Vous pouvez ainsi sauter de liens en liens, à partir d'une page initiale, sans n'avoir jamais saisi une
adresse explicite de serveur.
Le langage HTML, à l'origine très rudimentaire, correspond aussi à un moment dans l'histoire
de la micro-informatique : l'avènement - conceptuel avant d'être commercial - du multimédia :
il permet d'intégrer au sein de ses pages de plus en plus de médias différents, offrant ainsi
les présentations les plus séduisantes que l'on puisse trouver sur le Réseau.
Ce langage correspond aussi à un certain degré de maturité technique de l'Internet. En
effet, les butineurs, ces logiciels qui servent à naviguer sur le Web, sont de plus en plus complets, incluant
en un seul logiciel tous les protocoles et fonctionnalités de l'Internet. Ainsi, un service Web utilisera
éventuellement un ancien service Gopher, une base indexée en Wais ou un OPAC de bibliothèque
en telnet. Ce qui permet à une bibliothèque d'offrir par le biais de pages HTML l'accès à
une base Wais de notices catalographiques.
Le catalogue pourrait aussi être écrit entièrement en
HTML. Certains logiciels, tels que Glimpse ou Men-multicherche permettent de constituer des petits moteurs de recherche se fondant sur un ensemble de fiches
HTML. L'inconvénient de cette solution est qu'il faut créer des fiches HTML pour chaque notice catalographique ;
l'indexation Wais semble être plus rapide et commode.
Une autre solution provient directement des concepteurs de logiciels pour bibliothèques.
De plus en plus de ces logiciels incorporent des passerelles entre la base bibliographique et le format HTML. Ainsi
il devient très facile de réaliser un accès à votre catalogue via le Web. La société
lyonnaise Ever propose pour ses solutions logicielles Doris/Loris une interface de ce type, dont une démonstration
est consultable directement en ligne sur leur serveur Ever-Online.
Le format HTML est devenu en 1996 le standard de tout nouveau service créé sur l'Internet. Suite
à la concurrence entre les deux géants Microsoft et Netscape, ce langage ne cesse d'évoluer
pour offrir toujours plus de fonctions sophistiquées. Il constitue en quelque sorte le berceau de toutes
les innovations futures sur l'Internet.
Le futur est parmi nous
Le World Wide Web se développe cette année à un rythme effréné. Le mouvement
a été initié par la sortie en 1995 de la version 2 du Navigator de Netscape.
Cette version incorporait des spécificités qui n'appartenaient pas au langage HTML standardisé ;
une sorte de modus operandi tacite de l'Internet était brisé, puisqu'un logiciel devançait
les travaux de normalisation en profitant d'une situation commerciale quasi-monopolistique. Certains sites disposent
ainsi de fonctionnalités adaptées à Netscape, que d'autres logiciels ne peuvent interpréter.
Pour tirer son épingle du jeu, Microsoft a développé aussi des fonctionnalités propres
à son butineur Explorer. Ainsi, la concurrence pousse les sociétés à créer
de nouvelles fonctionnalités qui ne sont réellement standardisées dans le langage HTML que
beaucoup plus tard.
La version 2 de Navigator a apporté un autre concept riche de potentialités pour l'avenir
du WWW : les plug-ins, ou " modules additionnels " en français. Ce sont
des petits logiciels que l'on télédécharge et qui se greffent automatiquement sur le butineur
afin de pouvoir lire de nouveaux types de fichiers. On trouve de tout chez les plug-ins : lecteurs
de documents mis en page (AcroRead d'Acrobat), lecteurs de fichiers sonores en temps réel (RealAudio),
programme de simulation en trois dimensions. Les possibilités sont quasi infinies, puisque ce n'est pas
Netscape qui se charge de développer ces modules, mais des sociétés qui se conforment aux
spécifications techniques de Navigator.
En cette année 1996, le langage de programmation Java est sur les lèvres de tous les développeurs
et de tous les internautes cyber-dépendants. Ce langage permet d'écrire des petits programmes qui
sont télédéchargés par le butineur et qui s'adaptent ainsi à toutes les plates-formes
informatiques. Il est assez puissant pour réaliser des applications autonomes que l'on utilise uniquement
au moment voulu.
Enfin, un autre langage devrait jouer un grand rôle à l'avenir : le VRML (Virtual reality
modeling langage). Ce langage fonctionne sur le même principe que le HTML, mais il sert à décrire
des objets en trois dimensions. On peut ainsi visiter des décors en traversant des pièces ou des
lieux successifs. Ce langage pourrait avoir de grands débouchés dans le commerce, mais on peut aussi
imaginer des développements intéressants dans le domaine des bibliothèques : l'internaute
pourrait alors réellement visiter les différentes sections selon ce qu'il recherche et, pourquoi
pas, parcourir du regard le contenu des rayons.
Globalement, tous ces développements technologiques sont encore utilisés en tant que gadgets,
pour épater la galerie. Ils portent néanmoins en germe de formidables applications qui n'attendent
que la définition de nouveaux besoins et la diffusion de technologies performantes pour éclore.
|