Il est vrai que le catalogage des ouvrages a toujours été une part énorme du travail du bibliothécaire.
Travail d'autant plus énorme qu'il est effectué dans chaque bibliothèque pour des ouvrages
identiques. On a toujours recherché l'apport de la technique afin d'alléger cette tâche. Au
temps des fiches manuelles d'ouvrages, une notice devait être reproduite en autant de points d'accès
qu'elle comportait (titre, auteur...). Les professionnels surveillaient donc l'arrivée de nouvelles machines
à écrire pouvant simplifier le travail de saisie.
Parallèlement au processus d'informatisation des bibliothèques, démarré
dans les années soixante-dix, et au développement des télécommunications, s'est imposé
le " mythe " du catalogue collectif : un énorme ordinateur renfermant toutes les
notices de tous les ouvrages disponibles en France, et gérant le fonctionnement de toutes les bibliothèques
disséminées sur le territoire national.
" L'automatisation des bibliothèques ne peut être conçue que
comme un tout où chaque établissement tient sa place dans l'ensemble. "
En 1971 était créé le Bureau pour l'automatisation des bibliothèques
(BAB) qui allait se fixer comme missions : " participation au réseau bibliographique international,
catalogage national centralisé, automatisation des catalogues collectifs nationaux, création d'un
centre informatique unique et autonome, préparation d'analyse des fonctions de gestion automatisées ".
Ces orientations allaient se concrétiser par l'ouverture du CETIB (Centre de traitement informatique
des bibliothèques) en 1976 et la création du CAPAR, système de catalogue partagé. Celui-ci
comprenait le CANAC (Catalogage national centralisé, constitué en grande partie à partir de
la Bibliographie de la France), les notices obtenues par échange avec les bibliothèques nationales
étrangères, et les notices saisies par les bibliothèques participantes au réseau, avant
correction et intégration dans CANAC.
Hormis des retards de traitement élevés, le système ne démarrait pas vraiment, faute
de disposer dans de meilleurs délais d'un fonds important de notices informatisées. Dans cette optique,
il devenait nécessaire d'informatiser les grandes bibliothèques, dont la Bibliothèque nationale
et celle des Halles (future BPI).
Toujours sur la vague de l'informatisation, la Direction du livre et de la lecture (DLL) engagea à partir
de 1982 les travaux de conception d'un logiciel en temps réel intitulé Libra à l'intention
des bibliothèques municipales. Celles-ci allaient ainsi se retrouver en réseau. Mais suite à
des décisions politiques et des problèmes techniques, ce logiciel devait être abandonné
quelques années plus tard : les bibliothèques de lecture publique se retrouvaient dans une situation
isolée, tant du point de vue de l'informatisation que du travail bibliothéconomique.
Du côté des bibliothèques universitaires, si l'informatisation a été
aussi chaotique, certaines avancées ont été réalisées en ce qui concerne
le travail coopératif.
Le CCN-PS
Le succès le plus important de la coopération universitaire en France est certainement le Catalogue
collectif national des publications en série (CCN).
En 1971 était créé à la bibliothèque universitaire de Nice le catalogue AGAPE
(Application de la gestion automatisée aux périodiques). Dans le même temps était développé
à Grenoble le CPI (Catalogue de périodiques interrégional). Chaque système se développait
parallèlement, semant la division. En 1980 on mit en route le chantier du Catalogue collectif national afin
de fusionner les différents systèmes existants (AGAPE, CPI, CIEPS, IPPEC). Le CCN est une réussite
puisqu'il existe toujours, consultable en ligne (sur abonnement), sur minitel ou sur CD-ROM (Myriade).
Sibil
Le premier réseau coopératif de catalogage en France s'est appuyé sur le logiciel SIBIL
(Système intégré pour les bibliothèques universitaires de Lausanne). Implanté
en 1982 au CNUSC de Montpellier, il fut testé dans les applications locales avant son extension
à d'autres universités, dans le cadre d'une expérience pilote lancée par la DBMIST
(Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique). Le
réseau Sibil-France a bénéficié à son lancement
de lignes à très haut débit qui reliaient le CNUSC à Paris et aux villes universitaires
du sud de la France, ainsi qu'aux centres de calcul universitaires et au CIRCE. Il
comptait en 1990 une cinquantaine de bibliothèques, dans onze villes, participant au catalogue collectif
Sibil. Ce catalogue est accessible à tous sur le serveur du CNUSC.
Le Pancatalogue
En 1986, la DBMIST opère un revirement politique en décidant de construire un catalogue collectif
en dérivant des notices à partir du réseau américain OCLC (Online
computer library center). Ce choix était fait au nom de l'efficacité et de
la rentabilité économique, il n'entérinait pas moins l'abandon d'une réelle politique
nationale indépendante. L'idée était de constituer très rapidement
un catalogue collectif de notices à partir de trois sources : OCLC, Sibil et BN-Opale (le catalogue
de la Bibliothèque nationale). La grande majorité des bibliothèques universitaires est entrée
dans un de ces trois réseaux de catalogage.
" Ouvert en mai 1992 dans sa version actuelle, le Pancatalogue
a pour mission de recenser, décrire et localiser, pour les ouvrages, la production catalographique informatisée
d'une centaine d'établissements de l'enseignement supérieur en France, représentant plus de
trois cents unités documentaires. Chaque établissement dérive ou crée ses notices dans
l'une des trois sources qui sont OCLC, BN-Opale et SIBIL. Les notices ainsi produites sont ensuite
chargées dans son système local et simultanément adressées au Pancatalogue pour mise
à jour du catalogue collectif ".
La notion de réseau est donc une notion profondément ancrée dans le travail du bibliothécaire,
même si elle a toujours eu beaucoup de mal à se concrétiser. La diversité des expériences
menées ainsi que les choix politiques successifs ont embrouillé considérablement la situation
et, à ce jour, il n'existe pas encore de catalogue unique réellement collectif et coopératif.
Ce qui a changé, c'est incontestablement l'unicité du média de communication.
" La mise en place de Renater à partir de 1992-93, l'accès à
Internet allaient bouleverser ce paysage et remettre en cause les liaisons existantes, les protocoles, les logiciels,
les matériels ".
Si ce n'est qu'un support, l'irruption de l'Internet a quand même eu une importance capitale pour la création
de projets en réseau. Auparavant, chaque réseau était subordonné à un type de
matériel et de logiciel bien spécifique. Des liaisons spéciales étaient nécessaires
à chaque nouvelle interconnexion, ce qui pouvait parfois freiner le développement des projets.
En 1996, l'Internet, via Renater, est bien implanté en France ; son expansion est continue selon
un cercle vertueux maintenant connu. TCP-IP est un protocole gratuit, il a donc été adopté
par beaucoup de réseaux locaux qui ont permis de connecter beaucoup de gens, créant ainsi un marché
pour des sociétés qui ont su trouver les spécifications techniques propices à des débouchés
juteux. De plus en plus d'applications utilisent le Réseau, il est par conséquent indispensable de
s'y connecter si l'on prône des systèmes informatiques ouverts et évolutifs. L'offre initiale
a créé une demande, qui à son tour a créé une offre plus large, et ainsi de
suite.
Progressivement, tous les centres de recherches et universités se dotent de passerelles sur l'Internet,
car c'est désormais LE réseau de tous les réseaux. Le débat mondial autour des autoroutes
de l'information a pu faire croire que d'autres infrastructures techniques étaient possibles, voire souhaitables.
Les protocoles TCP-IP sont en effet loin d'être parfaits, mais ils ont le mérite d'exister, de fonctionner,
en tant que supports d'applications à naître. L'Internet bénéficie d'une telle dynamique
que tous les projets actuels en tiennent compte.
|